L'imagination est une science exacte*
Dans son essai sur les Centuries, publiées à partir de 1555 sous le pseudonyme de Nostradamus et sous le titre de « Prophéties », Rudy Cambier épingle et commente le quatrain qui lui a mis la puce à l’oreille :
Un Empereur naistra pres d'Italie
Qui a l'Empire sera vendu bien cher
Diront avec quels gens il se rallie
Qu'on trouvera moins prince que boucher
C’est sans doute l’extrait le plus connu du texte, mais aussi, le plus incompris, les nostradamistes partant de l’idée préconçue que, si les verbes sont conjugué au futur, c’est forcément pour parler de l’avenir… Aussi n’ont-ils eu aucune hésitation à dire que l’empereur concerné était Napoléon Bonaparte, même si ce rapprochement n’a été effectué que bien des années après l’avènement et la chute de ce personnage incontournable de l’histoire française…
Pourtant, il a sauté aux yeux du philologue wodecquois qu’il s’agissait en réalité de Fréderic II de Hohenstaufen (1194-1250), petit-fils de l’empereur germanique Frédéric Ier dit « Barberousse », et fils d’Henri VI de Hohenstaufen...
Le livre écrit par Yves de Lessines, l’abbé de Cambron dont nous contons les aventures dans cette revue, n’avait pas vocation à être imprimé. L’imprimerie n’existait pas. C’est une bonne raison.
Pourtant, le livre fut imprimé à Lyon. C’est l’histoire supposée de ce voyage, de l’abbaye de Cambron à l’atelier de l’éditeur Macé Bonhomme, que nous allons ici raconter.
Note liminaire
Ce qui suit est un récit, il s’agit de montrer, et non de démontrer comme pourrait le faire un rapport. La question de savoir si nous possédons une preuve de ce que nous avançons n’est pas essentielle. La pertinence de notre propos et de la solution proposée ne se conçoit que parce que la totalité du circuit emprunté par le manuscrit dont il est ici question, s’insère dans un périple rendu possible par la vie et les activités des personnalités dont nous allons parler. Il reste peu d’archives exploitables de ces temps lointains, c’est précisément cette rareté qui rend notre proposition pertinente.
Avec cette réduction a minima des sources d’informations, découvrir des documents qui prouvent que des individus identifiés, il y a plus de sept cents ans se sont rencontré, se sont parlé, ont échangé des manuscrits et ont formé une chaine humaine qui n’inclura en tout et pour tout que trois personnes, n’est pas banale ! Chaine humaine étalée sur plus de 220 ans et qui relie la bibliothèque de l’abbaye de Cambron à celle du grand père de Michel de Notre Dame ! Cette relation logistique établie, nous nous efforcerons de trouver d’autres indices qui viendront renforcer notre proposition.
Une fois n’est pas coutume, nous ne parlerons pas du texte des Centuries, texte, je le rappelle, attribué par beaucoup au poète / prophète provençal Michel de Nostredame et par quelques-uns dont nous sommes, au moine cistercien hennuyer Yvain Despretz, plus connu sous son nom d’abbé de Cambron, Yves de Lessines.
C’est au support, au contenant, au « livre-objet », comme l’on dit dans les distingués salons, que je vais consacrer ces quelques paragraphes.